Apollon, à peine né sur l'îlot de Délos, part sur les routes pour trouver un lieu ou fonder son culte.
Après avoir été berné par la muse Telphousa qui cherche à l'écarter de son sanctuaire en Béotie, il prend le chemin du Parnasse pour y batir un temple. Il commence par tuer le monstre femelle qui gardait l'endroit. Le monstre pourrit, donnant son nom au lieu : Pythô.
Il détourne un groupe de navigateurs crétois pour qu'ils instaurent son culte en cet endroit.
​
L'Hymne homérique à Apollon : récit détaillé du voyage du dieu de Délos, son lieu de naissance, jusqu’à Delphes ...
​
Plusieurs variantes, contradictoires, coexistent sur la façon dont Apollon s'empara de l'oracle.
Certaines en donnent une version violente, d'autres laissent entendre que Thémis, à qui Gâ avait confié l'oracle, transmit paisiblement la propriété à Apollon.
Ces mythes sont à l'image du dieu, qui a une réputation a priori pacifique (civilisateur, constructeur, protecteur des troupeaux, musicien, etc.), mais dont une face mois connue est violente, sanguinaire ("l'Apollon au couteau"), et fut pour cette raison le dieu consulté par les meurtriers.
(écouter Marcel Détienne : Apollon, le bel assassin de Delphes)
​
En tout état de cause, Apollon a délogé une déesse qui régnait auparavant sur l'oracle. Gâ, Athéna, Déméter, Artémis étaient toujours vénérées à Delphes, mais, à part Gâ, ces déesses furent mises à distance de l'Apollonion, autour du temple, réservé au dieu principal.
​
DELPHES
nombril du monde grec
DELPHI
navel of the Greek World
Colonne d'acanthe : Apollon Sitalkas
SD 509
Cette colonne, située au dessus de l'esplanade du temple, dans l'axe du dernier tronçon de la voie montant à l'autel, dominait, du fait de sa hauteur, l'ensemble de la zone.
On a longtemps discuté sur l'occasion de l'édification de cette offrande, l'identité de ses donateurs, et sa signification.
Sa date est contemporaine de la reconstruction du temple au courant du IVe siècle.
Après avoir pensé que la colonne pouvait représenter une tige de silphium, plante qui avait fait la renommée de Cyrène, on reconnaît aujourdhui une colonne pourvue d'un décor d'acanthe, semblable à celui des chapiteaux corinthiens.
Au sommet, trois personnages féminins sont disposés entre les pieds du trépied, manquant. L'allure de ces jeunes filles avait fait penser qu'il s'agissait de danseuses, mais leur attitude, mieux connue grâce à des recollages récents, ne s'accorde pas avec cette interprétation.
P. Amandry a compris qu'une pierre recouverte de bandelettes, identifiée comme une représentation de l'omphalos, venait se placer au-dessus du trépied.
​
Découverte des fragments durant la fouille
Présentation dans l'ancien musée
Photos des "danseuses" par Georges de Miré (1937 ca )
Monuments inspirés par la colonne d'acanthe
Prospect Park, Brooklyn, New-York.
Pair of columns inspired by restitution drawing (right) of the Acanthus column in Delphi, Albert Tournaire, 1900.
Architect Stanford White, 1906.
Nouvelle interprétation par A. Jacquemin et D. Laroche (2021)
"Apollon à Delphes au IVe siècle", BCH 144.1 (2020)
Suite à la constatation que le bloc supérieur, en dépit d'une certaine ressemblance avec l'omphalos, avait en réalité une forme différente, nous avons proposé une autre interprétation de la forme couronnant ce monument.
En effet, le réseau de bandelettes qui entoure la pierre oblongue se poursuivait sur un bloc scellé au sommet, de forme cylindrique.
Cette figure rappelle une représentation sur une stèle exposée au musée de Thèbes qui, entre une lyre et l'omphalos, présente un objet semblable au "pseudo-omphalos", à savoir une forme arrondie surmontée d'un "mât" portant un disque horizontal, un peu à la manière des stupas en Inde.
Des représentations analogues sont connues sur d'autres sites (en particulier Cyrène, Apollonia, deux villes fondées à la suite d'un oracle de Delphes) où elles constituent une représentation aniconique d'Apollon, formule bien connue pour ce qui concerne Apollon Agyieus, Apollon des carrefours.
Cette identification d'un Apollon posé au sommet du plus haut monument de Delphes renvoie au monument le plus élevé signalé par Pausanias à Delphes, un Apollon qualifié de Sitalkas (mot qui renvoie à un épi germé) par les Delphiens, nous dit-il au moment où il arrive devant le temple.
Stèle pour des juges delphiens, trouvée à Thespies
Musée de Thèbes, Béotie
La hauteur donnée par Pausanias, 35 coudées (15.40 m), correspond à celle du monument delphique.
Il s'agirait donc du monument érigé avec une partie de l'amende versée par les Phocidiens à la suite de leur défaite (346) en raison de leur mainmise sacrilège sur certaines offrandes de Delphes.
les images ci-dessous illustrent cette interprétation, où Apollon, assis sur le trépied prophétique et revêtu de l'agrenon, symbole de l'oracle, vient se poser à Delphes au retour de son séjour annuel chez les hyperboréens, accueilli par Dionysos trônant au centre du fronton, Dionysos qui a veillé sur le sanctuaire en l'absence du maître des lieux. Son trépied est posé par les Brises, représentées au moment où elles posent le pied au sommet de la colonne végétale, dans la même attitude que les Nikés posant leur trépieds de victoire au sommet de colonnes (Niké des Messéniens)
Apollon volant sur son trépied (symbole de l'oracle) pour s'installer à Delphes.
À droite, selon le même schéma (mais avec un Apollon aniconique), le moment primordial représenté par le monument : Apollon, porté par les Brises, vient se poser au sommet de la colonne d'Acanthe.