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Photos de Delphes, par Georges De Miré

Photos prises vers 1935-38

Ces photos constituent la matière première d'un ouvrage édité par l’École française d’Athènes en 1943, c'est-à-dire à l'un des pires moments de l'histoire de la Grèce et de la France. Les Grecs étaient confrontés à une famine terrible et les actions de la Résistance (royaliste et communiste) entrainaient des représailles terribles, en particulier dans la région de Delphes, la ville se trouvant juste entre les troupes d'occupation allemandes et les maquisards établis sur le Parnasse.

Malgré ce contexte défavorable, l’École française réalise au cours de ces années terribles la reconstruction partielle du temple, chantier qui assura des revenus aux habitants de Delphes.

La publication de cet ouvrage constituait donc, pour les archéologues français qui avaient noué des liens très forts non seulement avec la Grèce antique, mais également avec leurs contemporains qui habitaient et tentaient de survivre dans cette région, une déclaration de philhellénisme et une démonstration de la vitalité de la science française.

Le reportage photographique qui datait de la fin des années 30 était complété par un exposé rigoureux rédigé par un savant qui avait consacré sa vie à ce site et en particulier aux réalisations de l'époque archaïque, Pierre de La Coste-Messèliere.

Cet prédilection pour les périodes anciennes de la Grèce transparait clairement dans le choix des sujets.

Le nouveau village de Castri, reconstruit avant les fouilles, et ses habitants

Paysages autour de Castri

Le sanctuaire et la montagne

Le sanctuaire et son mur d'enceinte

Mur d'enceinte Est

Le sanctuaire ("Hiéron") de Delphes était établi sur une pente abrupte dominée par la masse des Phédriades (Nauplia/Rhodini au dessus du sanctuaire et Hyanpeia/Phlemboukos à l'Est), constituant elles-mêmes un contrefort du Parnasse (2260 m).
Un mur (péribole) délimitait la zone sacrée qui fut fortement agrandie lors de la reconstruction du temple, dans la seconde moitié du VIe siècle av. J-C.
Les murs actuellement visibles datent de cette époque, à l'exception du mur oriental, qui fut rehaussé pour aménager des terrasses plus en vue au IVe siècle av. J:-C., là aussi à l'occasion d'une nouvelle reconstruction du temple.
Les murs les plus récents sont construits en appareil régulier, contrairement aux murs antérieurs réalisés avec des rochers équarris.

 

Le paysage naturel antérieur aux constructions : le rocher sacré de la Sibylle

La Sibylle est le nom donné à la première Pythie, femme de Delphes choisie pour recueillir les réponses données aux consultants. On raconte qu’après qu'une Pythie soit partie avec un consultant, cette dernière fut choisie parmi les femmes d'âge mur de la cité.
Avant la construction du premier temple, celle-ci officiait sur un rocher qu'on a cru reconnaître parmi les nombreux blocs éboulés présents sur le site.

Les jumeaux argiens

Parmi les offrandes les plus anciennes du sanctuaire (vers 600 av: J.-C: ?) figure ce couple de deux statues masculines en marbre, hautes de 2,10 m.

Si, dans un premier temps, on a pensé reconnaitre Cléobis et Biton, les fils d'une princesse argienne héros d'une histoire racontée par Hérodote, les recherches plus récentes orientent davantage vers les Dioscures (fils de Zeus) Castor et Pollux, dont le culte était très populaire dans de nombreuses cités grecques.

Le trésor de Sicyone et ses fondations

Construit au moment où est réalisée une grande terrasse autour du nouveau temple (fin du VIe s. av. J.-C.), le trésor de Sicyone intègre dans ses fondations les blocs provenant de deux monuments plus anciens (vers -560) condamnés par cette nouvelle terrasse (des pierres consacrées ne pouvaient en aucun cas être sorties du sanctuaire, d’où l'obligation de les remployer sur place).

Il s'agit d'une part d'un édifice circulaire (tholos) dont on voit bien les blocs d'architrave cintrés sur la photo de gauche; d'autre part d'un petit édifice rectangulaire ("monoptère"), dorique également comme l'attestent les beaux chapiteaux "en galette" typiques de l'époque archaïque, dont la frise était constituée de métopes allongées relatant des exploits mythologiques.

A coté du sanglier de Calydon (a gauche), affronté à des chasseurs disparus, et de l’enlèvement d'Europe par Zeus métamorphosé en taureau (à droite), on reconnait l'expédition des Argonautes et une razzia qui, toutes deux, mettent en scène les Dioscures.

L'identité des dédicants (Grande-Grèce, Sicyone ?) et la destination de ces deux édifices ne sont pas connus.

La colonne du sphinx des Naxiens

Un des plus spectaculaires et anciens monuments du sanctuaire se dressait au centre de l'espace sacré, sur un rocher.

Il s'agissait d'une colonne ionique offerte par les habitants de Naxos, à l'époque importante île des Cyclades, sur laquelle se dressait un sphinx (il faudrait d'ailleurs dire "une sphinge" car c'était une créature féminine) dont la signification reste une énigme ...

Cet animal ayant une signification funéraire, on peut associer le monument au tombeau de Dionysos, ou plus vraisemblablement à l'endroit ou pourrit la dépouille de Python, le monstre qui gardait le sanctuaire pour le compte de la déesse Ga (la Terre) et qui fut tué par Apollon lorsqu'il s'empara de l'oracle.

Malgré sa hauteur, le monument résista aux différentes catastrophes qui affectèrent le sanctuaire, d'une part grâce à son assise sur un rocher, d'autre part grâce à un système de liaisonnement en bois souple entre les tambours, dont on voit la trace en négatif sur les blocs tombés.

Le grand mur "polygonal"

Après l'incendie qui détruisit le vieux temple en -548, il fut décidé de le reconstruire a une échelle beaucoup plus grande, qui marque le succès de l'oracle auprès des cités grecques voire même étrangères (dites "barbares").

Pour ce faire on élargit le sanctuaire en repoussant son mur d'enceinte, et l'on érigea une vaste terrasse pour établir le temple sur une esplanade susceptible d’accueillir de grandes manifestations et fêtes religieuses.

La partie inférieure du mur fut construite avec des rochers sciés et un assemblage irrégulier capable de résister aux mouvements de terrain, d’où son nom moderne de "polygonal": Sur ce socle étaient placées des assises régulières utilisant des pierres de l'ancien temple ou d'autres monuments condamnés par la nouvelle terrasse.

En raison de la présence, en contrebas du mur, de l'agora de Delphes, le mur servit plus tard d'affichage pour de nombreux textes, en particulier des décrets d'affranchissement d'esclaves.

A gauche : certains blocs "polygonaux" trouvés en cours de fouille ne peuvent prendre place dans ce mur, ce qui prouve que d'autres murs polygonaux existaient, qui ont disparu probablement sous l'effet des glissements de terrains occasionnés par la présence de l'eau, un des facteurs importants de la présence du sanctuaire sur un terrain peu propice aux constructions massives, plus que les secousses sismiques qui semblent avoir causé relativement peu de dégâts sur les monuments.

La chute fréquente de rochers, depuis les "falaises" des Phédriades, était également un facteur important de dégradation qui entraina la construction, à côté de celle de murs de soutènement, de nombreux murs de protection, dont l'efficacité n'était pas toujours probante.

Les trésors archaïques

Les vestiges du plus ancien trésor connu, le trésor des Corinthiens érigé par le tyran Kypsélos (vers 640 av. J.-C: ?), sont tellement ténus qu'ils n'ont été reconnus que dix ans après les fouilles.

Caryatide d'un trésor non identifié

Parmi les sculptures mises au jour se trouvent des fragments semblant provenir de caryatides, c'est-à-dire des figures féminines faisant office de support à la place de colonnes. Malgré leur diversité, ces figures proviennent toutes de la Grèce orientale, îles de la mer Égée ou colonies établies sur les rives de l'Anatolie (aujourd'hui Turquie)

Le trésor des Siphniens (525 av. J.-C.)

Hérodote raconte dans le détail les circonstances historiques qui ont conduit les habitants de la petite ile de Siphnos à offrir l'un des plus somptueux bâtiments du sanctuaire. Ces informations permettent de dater précisément la construction de ce trésor (-525) , ce qui fournit un jalon précieux pour l'histoire de l'art grec.

Les deux caryatides de façade et la frise ionique qui ornait les quatre cotés de l'édifice constituent l'une des œuvres les plus abouties de l'art de la période archaïque. Leur découverte a constitué une heureuse surprise qui compensait la déception de ne pas avoir trouvé au temple un décor comparable à celui que les archéologues allemands avaient exhumé lors des fouilles d'Olympie.

Le trésor des Siphniens, frise Ouest (façade) : Le jugement de Pâris.

plaque gauche : Hermès, quadrige et Athéna

plaque médiane : Aphrodite descend de son char

plaque médiane : les chevaux d'Aphrodite

détail : Hermès devant le quadrige d'Athéna

détails de la plaque gauche : angle nord-ouest, Hermès et Athéna

détail : Aphrodite

Le trésor des Siphniens, frise Sud : identification de la scène non assurée

Partie médiane

Partie droite

Partie droite : détail des chevaux

Le trésor des Siphniens, frise Est : assemblée des dieux et combat homérique

Combat homérique

La moitié droite de la frise (ici l'absence de colonnes n'obligeait pas à une division en trois parties, comme en façade) représente un épisode de la Guerre de Troie : descendus de leur char respectif, Memnon (a gauche), allié des Troyens, et Achille (à droite) vont s'affronter autour de la dépouille de Antilochos, fils de Nestor (dernier personnage à droite)

Détail : Hector, Troyen mort, Ménélas

Détail : quadrige achéen

Détail : Nestor

L'interprétation présentée plus haut diffère légèrement de celle des légendes originales des photos, conservées ici : en effet entretemps ont été retrouvées, grâce à des outils modernes, des inscriptions autrefois peintes qui identifiaient les personnages.

Assemblée des dieux

Les dieux et déesses sont assis, de part et d'autre de Zeus, juge impartial, qui tient une balance pour procéder à la pesée des sorts, qui sera fatale à Memnon.

Parmi eux, les déesses Thétis et Eos, respectivement mères d'Achille et Memnon, les deux combattants opposés.

A gauche sont assis les divinités favorables aux Troyens, à droite les dieux et déesses protecteurs des Achéens.

Détail : Arès

Détail : Aphrodite, Artémis, Apollon

Détail : trône de Zeus

Frise Nord : combat des Dieux contre les Géants ("Gigantomachie")

Détail : Héphaistos et deux déesses

Cette longue frise montre l'affrontement des dieux olympiens, se dirigeant vers la droite, avec les Géants, en sens opposé.

Tout-à-fait à gauche, Héphaïstos, dieu de la forge, actionne deux outres utilisées comme soufflets pour forger des armes.

Thémis conduit un char attelé à des lions, derrière elle Dionysos porte une peau de panthère.

Détail : Apollon, Artémis, Géant en fuite

Plus loin les jumeaux Artémis et Apollon tirent à l'arc, des Géants morts ou fuyant témoignent de leur défaite prochaine.

Sur l'un des boucliers de Géant se lit une signature d'artiste, qui a réalisé les frises de deux des côtés du trésor.

Détail : Trois Géants

Gigantomachie : suite

Détail : Géants combattant, Héra

Détail : Géants combattant Arès

Héra, retournée, achève un Géant; à côté d'elle, Athéna est reconnaissable à son vêtement, tandis qu'un autre Géant s’apprête à jeter un rocher sur les dieux.

Malgré la densité des combattants, la scène reste parfaitement lisible et témoigne d'une grande maitrise de l'art de la sculpture en bas-relief.

Bien sûr, comme pour toute sculpture antique, la polychromie originale donnait un aspect très différent à cette œuvre dont ne reste que le traitement des volumes.

Gigantomachie, extrémité droite

Détail : Géant blessé

Trésor des Siphniens, fronton Est : la dispute du trépied

Le thème de la dispute entre Héracles et Apollon pour la possession du trépied (et donc de l'oracle) est abondamment représenté dans la peinture de céramique.

Ici, un dieu qui est probablement Zeus, sépare les deux protagonistes mais retient Héraclès dans sa fuite.

La sculpture est considérée de moindre qualité que celles des frises (en tous cas les chevaux, trop petits), à moins qu'il ne s'agisse d'un effet de la mauvaise conservation de la pierre.

Trésor des Siphniens, chéneaux de toiture

Trésor des Athéniens

Le grand nombre de blocs retrouvés du Trésor des Athéniens conduisit rapidement les autorités grecques à suggérer une reconstruction, qui fut financée par la ville d’Athènes.

Cette "anastylose" (reconstruction utilisant les pierres d'origine), menée entre 1903 et 1906, permet aujourd'hui de visualiser ce type d'édifice, ressemblant à un petit temple, dont une trentaine, au moins, étaient répartis dans l'ensemble du sanctuaire.

Les métopes sculptées originales, exposées au musée, ont été remplacées par des moulages. A la place des pierres manquantes ont été placés des blocs taillés dans des restes, réputés informes, de blocs de tuf.

Le voyageur antique Pausanias affirme que le trésor a été érigé à la suite de la victoire de Marathon, ce qui situerait sa construction juste après -490.

Le portique des Athéniens

Établi contre le grand mur de soutènement de la terrasse du temple, ce petit portique se singularise par l'élégance et la finesse des colonnes ioniques qui portaient un entablement en bois, protégé par des caissons en terre cuite.

L'inscription signale qu'y étaient exposés "les armes et les ornements de navires pris à l'ennemi".

La date de consécration a été beaucoup discutée, mais doit correspondre à l'essor de la puissance militaire d’Athènes, vers -506, où elle affronte ses voisins, notamment sa puissante rivale maritime Égine.

Les trophées étaient exposés, suspendus à des poteaux alignés le long d'une base adossée au mur de fond.

L'autel d'Apollon

L'autel où se faisaient les sacrifices en l'honneur d'Apollon fut offert par les habitants de l'île de Chios: Celui que l'on voit aujourd'hui, restauré en 1959, est une reconstruction faite à l'époque hellénistique, lorsque cette île fut admise au sein de l'assemblée des peuples qui géraient le sanctuaire, l'Amphictionie.

Le temple du VIe s. av., dit "des Alcméonides"

Du temple du VIe s. av. J.-C., dit "des Alcméonides", famille athénienne alors en exil qui cherchait à assurer son prestige en prenant en charge la construction du temple prestigieux de Delphes, ne subsistent que des vestiges de son décor sculpté, car les blocs d'architecture furent systématiquement remployés, soit dans le nouveau temple érigé, soit dans d'autres constructions.

Le fronton principal en marbre représentait l'arrivée à Delphes d'Apollon sur son char. Des lions attaquant des animaux encadraient la scène.

Le sujet représenté dans l'autre fronton, en tuf, semble être une Gigantomachie.

Vallée du Pleistos

Les photos de Georges de Miré montrent le temple avant sa restauration partielle en 1941-42. Il s'agit du temple construit entre 370 et 330 av. J.-C. à la suite de l'effondrement partiel du temple précédent.

Le chantier s'effectua dans un contexte difficile, perturbé par la "Troisième guerre sacrée" opposant la plupart des puissances de l'époque, et qui consacra la suprématie de la Macédoine.

La plate-forme du temple, construite avec un excellent matériau calcaire extrait d'une carrière ("Saint-Elie") distante d'une vingtaine de kilomètres, est un chef d’œuvre de stéréotomie, c'est-à-dire de précision dans l'assemblage géométrique des blocs parfaitement taillés.

Cette perfection caractérise l'ensemble des édifices construits au IVe s. av. J.-C.

Danseuses

A partir du IIIe siècle apparait la puissance de la Confédération étolienne, qui sauvera in extrémis Delphes de l'invasion galate en -279.

Les Étoliens érigent à leur tour de nombreuses offrandes dont plusieurs affectent la forme de d'un ordre ionique réduit à une travée.

Construit au IVe siècle av. J.-C:, il se compose de deux terrasses dont l'une accueille des pistes de course ouvertes et couvertes; la terrasse inférieure comprend une palestre (salles d'entrainement bordant une cour) et un bain circulaire à ciel ouvert.

Fin

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