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Histoire de la Ville et de son sanctuaire

Déesse (?) assise

sur un siège à trois pieds

Les origines

Les vestiges mycéniens trouvés au cours des fouilles attestent l'ancienneté de l'occupation des lieux.

Les vestiges matériels de la période mycénienne, assez pauvres, se trouvent surtout dans la zone supérieure du sanctuaire.

Le lot important d'idoles retrouvées à Marmaria semble avoir été apporté d'ailleurs (pour légitimer un culte ?) et ne présage pas d'une installation ancienne à ce niveau.

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Longtemps on a privilégié l'idée d'une rupture entre l'époque mycénienne et "l'époque géométrique", séparés par des "siècles obscurs" ou "Dark Age", en gros entre 1200 et 1000 av. J.-C.

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Mais les fouilles menées sous le pilier des Rhodiens ont fait apparaître des maisons, pour certaines datées précisément de cette période intermédiaire, ce qui pourrait indiquer une continuité entre ces différentes périodes.

Figurines mycéniennes

Sylvie Muller, "Delphes et sa région à l'époque mycénienne"

BCH 116 (1992)

Cheval archaïque en bronze

Milieu du VIIIe siècle

Mais c'est seulement  partir de -800 ca que l'on observe une occupation importante qui peut correspondre aux débuts du sanctuaire et de l'oracle.

Les récits mythiques sur la découverte de la fosse d’où s'exhalent des vapeurs inspiratrices ne constituent bien sûr pas des informations historiques fiables, mais Delphes ("la rocheuse Pythô") est mentionnée à plusieurs reprises dans l'Iliade, qui date du VIIIe siècle.

Les récits de fondation de nombreuses villes (comme Cyrène) se rapportent à un oracle de Delphes donnant des indications géographiques ou topographiques ayant guidé les colons dans le choix de l'emplacement de leur installation.

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Le VIIe siècle semble être celui où s'établit la renommée de l'oracle, qui en tout cas est réputé avoir joué un rôle important dans la colonisation grecque autour de la méditerranée.

Les concours musicaux des Pythia, qui rivalisent avec les concours sportifs d'Olympie, vont rapidement intégrer des épreuves gymniques et hippiques.

Homme nu debout

3e quart du VIIe siècle (Crète ?)

Guide de Delphes, le musée, p.162-163.

Ces têtes de griffons ornaient la cuve de trépieds.

Le VIe siècle av. J.-C.

Ce siècle est parfois considéré comme le "siècle d'or" de Delphes, en raison du prestige qu'acquiert l'oracle non seulement dans le monde grec mais également auprès de peuples voisins non grecs.

Les offrandes du dynaste lydien Crésus étaient légendaires et il est possible que certaines des trouvailles des "ors et des ivoires" soient celles du roi phrygien Midas.

Vers 600-590 un conflit éclate entre les cités phocidiennes, accusées de rançonner les pèlerins, et Delphes. A l'issue de ce conflit, qui voit la défaite phocidienne et la destruction de Khirra, le sanctuaire est placé sous la tutelle conjointe de Delphes et de l'amphictionie, assemblée de douze peuples de la Grèce centrale. Il est interdit de cultiver la plaine, consacrée à Apollon et ses troupeaux sacrés.

En 548, le temple archaïque brûle et il est reconstruit, à une échelle nettement plus grande, à la suite d'une vaste souscription internationale qui alla jusqu'en Égypte. Mais c'est l'apport déterminant de la famille athénienne (alors exilée à Delphes) des Alcméonides, qui permit d'ériger, en partie en marbre, le nouveau temple.

Cette reconstruction fut le point d'orgue d'une vaste réorganisation du sanctuaire (agrandissement sur trois cotés au moins de 13 mètres) et réalisation de terrasses dont la plus importante était celle du temple, terrasse dont le soutènement reposait sur un socle en appareil polygonal impressionnant.

Les puissances insulaires étaient à l'époque très impliquées (Chios, Naxos, Siphnos ...), mais à la fin du siècle se manifeste la montée en puissance d’Athènes, notamment au travers du portique (-506?) exposant les armes et proues de navires prises à l'ennemi.

Crésus sur son bucher

Condamné à périr par le feu, Crésus implore Apollon qui le sauve in extremis par une pluie providentielle.

Crésus, souverain réputé pour sa richesse (la Lydie a inventé la monnaie) avait compris de travers la réponse de l'Oracle lui prédisant que s'il attaquait les Perses, "il détruirait un grand Empire". Il s'agissait du sien !

Entretemps, il avait couvert Delphes d'offrandes qui émerveillaient les Grecs par leur luxe.

Le Ve siècle av. J.-C.

Liste des cités ayant participé a la bataille de Marathon, gravée sur les corps des trois serpents de bronze qui se trouvent de nos jours sur la place de l'hippodrome à Istanbul.

Casques consacrés dans le sanctuaire de Delphes

Le Ve siècle est le siècle majeur de l'histoire de la Grèce classique, commençant par les guerres médiques (490-480), puis, après la création de la Ligue de Délos par les Athéniens, marquée par la Guerre du Péloponnèse, qui oppose les camps athéniens et spartiate, guerre dont le déroulement est surtout connu par le récit de l'historien Thucydide.

Paradoxalement, si le sanctuaire de Delphes a accueilli de nombreuses offrandes liées a ces événements tragiques, son histoire au cours de ce siècle est assez mal connue.

Aussi bien les sources historiques qu'épigraphiques (inscriptions) sont relativement peu abondantes, en tout cas comparées à celles du siècle suivant. Les inscriptions de cette période sont surtout des dédicaces.

En particulier, la "Deuxième guerre sacrée" (-448), mettant aux prises les Athéniens et les Spartiates pour le contrôle du sanctuaire, est peu documentée, hormis les récits de Thucydide et Plutarque.

L'autonomie de Delphes vis à vis des Phocidiens, dont ils sont en théorie l'une des cités, sera une source de conflit récurrente durant l'histoire de la Grèce.

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Les guerres médiques

 

Au cours des guerres médiques, l'oracle est accusé de pencher du côté des Perses, ce qui n'est pas très étonnant vu qu'un grande partie des peuples (ceux du Nord) constituant l'amphictionie est alliée aux Perses.

Mais c'est sans rancune que les alliés vainqueurs consacreront dans le sanctuaire des monuments célébrant les victoires de Salamine (-480) et de Platées (-479, SD 440).

Pausanias nous apprend que le trésor des Athéniens commémore la bataille de Marathon, ce qu'aucune autre source ne nous indique.

À la même époque, les tyrans de Syracuse élèvent des monuments de même nature pour marquer leurs victoires contre les Carthaginois (Himère, -480), qu'ils mettent en parallèle aux victoires contre les "Barbares de l'Est".

La période qui suit les guerres médiques est marquée par l'essor d’Athènes qui, par l'intermédiaire de la Ligue de Délos, poursuit le conflit avec l'empire achéménide : la victoire de l'Eurymédon (-469?), sur la côte sud de l'Anatolie, sous le commandement de Cimon, suscite la consécration d'un palmier en bronze surmontée d'une statue d'Athéna.

C'est probablement Cimon qui fit ériger une grande base (SD 110) commémorant la victoire de Marathon, remportée par son père Miltiade.

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Guerre du Péloponnèse

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Ce conflit à rebondissements, très long, épuisa les principales puissances de la Grèce, jusqu’à la destruction par le spartiate Lysandre de la flotte athénienne à Aigos-Potamoi (-404), événement commémoré par un des monuments les plus imposants érigés dans le sanctuaire (38 statues), tout de suite à l'entrée orientale (SD 109).

Parmi les autres monuments consacrés à Apollon durant cette période trouble, signalons les deux piliers érigés par les Messéniens de Naupacte.

D'autres trésors datent du Ve siècle, comme probablement le trésor de Syracuse ou le trésor dorique de Marmaria, jumeau du trésor des Athéniens.

De nombreuses cités offrent des bases portant des statues de bronze:

De ces centaines de statues seule nous est parvenu le cocher (aurige) de l'attelage de Polyzalos de Géla, vainqueur aux jeux pythiques de 474 av. J.-C.

Le IVe siècle av. J.-C.

L'orateur athénien Démosthène qui essaya, en vain, de s'opposer a la toute-puissance macédonniene

Cette période sera particulièrement riche en événements, cette fois-ci bien documentés, notamment grâce aux inscriptions qui se font plus nombreuses.

La première moitié du siècle voit la montée en puissance cette fois-ci de Thèbes, capitale de la Béotie. Après sa victoire éclatante à Leuctres contres Sparte (-371) commence son hégémonie qui durera jusqu’à l'arrivée de la Macédoine dans l'histoire de la Grèce centrale.

Cette apparition de la Macédoine fait suite à la "Troisième guerre sacrée", provoquée par les Phocidiens qui s'emparent du sanctuaire en 356. Les Delphiens semblent divisés entre anti- et pro-Phocidiens, et les différents peuples de l'amphictionie prennent parti en fonction de leurs dissensions historiques et de leur intérêt du moment. Plusieurs discours prononcés par des orateurs athéniens célèbres (Eschine, Démosthène ...) montrent la complexité de la situation où les accusations d'impiété sont régulièrement invoquées pour justifier le positionnement des uns et des autres.

Pour départager les divers protagonistes qui s'opposent dans ce conflit, Philippe II de Macédoine, s'appuyant sur ses alliés Thessaliens puissants dans l'assemblée amphictionique, envoie ses troupes déloger celles des chefs phocidiens. Après quelques revers (les Phocidiens disposent d'une armée puissante, financée par l'or saisi dans le sanctuaire), Philippe écrase l'armée phocidienne à la bataille de la Plaine des Crocus (-353) et fait ainsi une entrée fracassante à la fois dans l'amphictionie (on lui octroie les deux sièges dévolus auparavant aux Phocidiens) mais surtout dans l'histoire de la Grèce.

Ces événements coïncident avec une nouvelle reconstruction du temple, initiée par les Thébains (qui en profitent pour construire un grand trésor commémorant leur victoire de Leuctres), mais interrompue par l'occupation phocidienne. Après dix ans d'inactivité plus ou moins totale du chantier, les travaux reprennent en 346 avec l'apport de l'amende infligée aux Phocidiens "sacrilèges" pour rembourser leur pillage.

En l'absence d'autres ressources, cet argent (30 talents chaque année), plutôt que d’être utilisé pour restaurer l'ensemble des offrandes détruites (on a quand même restauré des vase en or de Crésus), a donc essentiellement servi à financer l’achèvement de la construction du temple et la construction de nouveaux équipements, ce qui dénote une attitude très pragmatique.

Vers 335-330, ce nouveau temple est terminé mais, comme au siècle précédent, les autorités en charge du sanctuaire (Delphes et l'amphictionie) en profitent pour procéder à différents travaux importants (nouvelles terrasses, Gymnase, hoplothèque, réorganisation du sanctuaire d'Athéna, etc.).

La mort en 336 de Philippe II, à qui succède Alexandre, entraine un déplacement des événements en orient où ce dernier entame une conquête extraordinaire qui efface l'empire Perse et va conduire à l'émergence de nouvelles puissances.

Dès la mort d'Alexandre (323), Delphes est le témoin de la révolte de certaines cités contre le "joug" macédonien : les Rhodiens érigent en face du temple (SD 406) un pilier pour commémorer l'éviction de la garnison macédonienne.

Thèbes, détruite par Alexandre, ne joue plus de rôle dans la nouvelle agitation qui va durer jusque vers -300 et qui voit les Athéniens revenir sur le devant de la scène delphique.

Malheureusement les années 320-280 sont parmi les plus mal connues de l'histoire du sanctuaire (moins d'inscriptions et lacune dans le récit des historiens).

Monument commémoratif de la bataille de Chéronée (-338) qui vit la défaite des Thébains et d’Athènes contre Philippe II et consacre l'hégémonie macédonienne.

Le IIIe siècle av. J.-C.

Le IIIe siècle voit surgir un nouveau peuple : les Étoliens, confédération de cités jusque là considérées comme à peine grecques, qui vont mettre la main sur le sanctuaire pendant tout le siècle.

Leur contribution décisive aux combats qui permirent, en 279, de refouler des hordes celtiques venues du Nord, leur assure un prestige équivalent à celui des souverains attalides qui feront la même chose en Asie mineure.

Il est difficile de faire la part des choses entre les récits fabuleux (apparitions divines, comme contre les Perses, pour effrayer les assaillants) et la réalité des combats (qui furent également une occasion pour les Phocidiens de se réhabiliter), toujours est-il que les Étoliens vont désormais administrer l'amphictionie et couvrir les abords du temple avec de spectaculaires "monuments à deux colonnes" mettant en valeur leurs élites, au sein desquelles les femmes semblent avoir joué un rôle important.

Ils établissent également des jeux (Sôteria) célébrant leur victoire sur les Galates, sensés rivaliser avec les Pythia historiques.

Les Étoliens favorisent leurs alliés, par exemple les habitants de l'ile de Chios qui reconstruisent l'autel d'Apollon et sont admis dans l'amphictionie.

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Les richissimes rois de Pergame construisent également des monuments spectaculaires, comme le théâtre (qui remplace sans doute un théâtre aménagé sur la pente naturelle) et la grande terrasse vouée aux fêtes sacrificielles qui relie le sanctuaire d'Apollon à celui de Dionysos, plus à l'Est.

Il y a une mode des piliers sur lesquels les souverains placent leurs statues, la piété cède la place à la propagande ...

La pierre de gauche représente

un amas d'armes prises à

l'ennemi (Trophée). Elle était surmontée, d’après des monnaies de cette époque, d'une statue de l'Étolie.

Terrasse construite par

Attale 1er, roi de Pergame,

comme lieu d'accueil des

participants aux fêtes sacrificielles.

après Pydna (-168), Delphes sous la domination romaine ...

Portrait présumé de Titus Quinctius Flamininus, général romain qui proclama en -196 à Corinthe la liberté des cités grecques.

Plaque de chancel (balustrade séparant le clergé du public profane dans les premières églises chrétiennes). Plusieurs églises sont construites autour du sanctuaire, utilisant les marbres prélevés sur les monuments anciens.

La domination étolienne va petit à petit s'effilocher au début du second siècle av. J.-C., suite à l'intervention progressive de Rome dans les affaires de la Grèce.
L'hostilité persistante entre la dernière grande puissance locale, la Macédoine, et les Romains va trouver son épilogue à la bataille de Pydna, où le dernier roi macédonien, Persée, est défait par le général Lucius Paulus Emilius (en français Paul-Emile).
De passage peu après à Delphes, Paul-Émile va s'arroger un des deux piliers prévus pour son rival malheureux et faire représenter la bataille sur la frise du monument (dessin en couleur).
C'est à la fois un des derniers monuments érigés à Delphes et le symbole de la fin de l'autonomie de la Grèce, même si le discours officiel des romains est celui d'une "libération" des anciennes cités grecques.
Les nouveaux maîtres vont essayer de transformer l'amphictionie, mais celle-ci a perdu tout prestige et tout rôle politique.
Le déclin de Delphes, qui s'était amorcé sous les Étoliens, est cette fois-ci patent. Même si certains empereurs romains (Auguste, Claude, Néron, Hadrien ...) manifestent une sympathie vis-à-vis du siège de l'oracle et qu'un culte impérial y est attesté, les édifices se dégradent, la cité se dépeuple et le sanctuaire n'est plus qu'un lieu de mémoire où la consultation de l'oracle, d’après Plutarque, ne fait plus recette.
Le cas le plus spectaculaire est celui du temple que plusieurs personnalités romaines (Domitien, Leonticus Cn.Claudius, proconsul d’Achaïe) s’enorgueillissent d'avoir restauré. Les Delphiens implorent auprès des empereurs une aide pour entretenir le sanctuaire.
Néron vient chanter au théâtre de Delphes, mais repart en Italie avec 500 statues dérobées au sanctuaire !

Dans ces conditions, la ville et son sanctuaire, après les Édits de Constantin (313), de Théodose (380) instituant le christianisme comme religion d’État et enfin l'interdiction du culte païen en 392, deviennent le siège d'un évêché et d'une ville byzantine qui s'installe dans les murs du sanctuaire dépouillé d'une grande partie de ses richesses : Constantin par exemple avait transporté la colonne de Platées à Constantinople, sa nouvelle capitale, où elle se trouve toujours.
Ce dernier état est malheureusement mal documenté car il n'intéressait pas beaucoup les fouilleurs du XIXe siècle, qui n'ont pas hésité à défaire ces vestiges de "basse époque". De belles maisons, souvent pourvues de bains, ont occupé les espaces laissés vacants par la disparition des offrandes anciennes. Le pavage que les fouilleurs ont retrouvé (aujourd'hui en grande partie recouvert) et abusivement qualifié de "voie sacrée" n'était que la rue principale de la ville chrétienne.
Cette ville relativement prospère semble avoir disparu au VIIe siècle, peut-être lors d'invasions slaves.

Plus tard, au moyen-âge, l'aride village de Kastri viendra s'installer sur les ruines, oubliant même l’existence des vestiges cachés sous son sol.

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