Espaces publics : la rue repensée
La rue de Rennes à Paris, ouverte par Haussmann (1850), 1 km de long
Cité Rotterdam, Strasbourg 1951
Place de l'Homme de Fer, Strasbourg
Rond-Point de l'Esplanade
"Privé", "public", "semi-privé", "semi-public" ?
De l'art de la proxémique sur la plage en août
Pendant nos vacances d'été, nous avons pu expérimenter les joies de l'hyper proximité! Rappelons-nous la plage et ses enjeux de mètres carrés pour installer une serviette et avoir suffisamment de place autour, pour ne pas avoir le sentiment d'étouffer. "Laisse-moi mon oxygène", avons-nous envie de dire à la bande de copains qui vient littéralement se coller à notre précieuse zone d'intimité.
Le même scénario se répète quand nous sommes dans les files qui se pressent pour entrer dans un musée, ou dans les foules qui arpentent les ruelles de la vielle ville, ou dans les cohues des festivals estivaux. Ou bien encore dans les piscines bondées quand il s'agit de se glisser entre un crawler fou et deux copines papotant en coulant une brasse au ralenti. Dans ces moments-là, nous sommes en difficulté pour protéger notre zone d'intimité comme nous la décrit la proxémique telle qu'elle a été conceptualisée par l'anthropologue Edward Hall (*) en 1963 La proxémie ou proxémique désigne d'après lui "l'ensemble des observations et théories que l'Homme fait de l'espace en tant que produit culturel spécifique".
Selon cette théorie, tout être humain établit autour de lui des zones de distance avec les autres êtres humains qu'il fréquente. Cette distance est variable selon les cultures. En Afrique par exemple, les distances entre individus sont plus courtes et les contacts physiques fréquents, alors que c'est exactement l'inverse au Japon ou dans les pays nordiques. Ce choc des cultures est particulièrement visible dans des espaces publics comme les transports en commun ou les lieux clos comme les ascenseurs.
Hall met en évidence quatre catégories principales de distances interindividuelles en fonction de la distance qui sépare les individus (les distances indiquées sont celles observées aux USA):
- la distance intime (entre 15 et 45 cm) : c'est la zone qui s'accompagne d'une grande implication physique et d'un échange sensoriel élevé,
- la distance personnelle (entre 45 et 135 cm) : elle est mobilisée par exemple dans les conversations particulières,
- la distance sociale (entre 1,20 et 3,70 m) : elle est utilisée au cours de l'interaction avec des amis et des collègues de travail
- la distance publique (supérieure à 3,70 m) : elle est utilisée quand on s'adresse à des groupes.
Ces distances varient selon différents critères:
- le contexte culturel comme on l'a déjà évoqué,
- les rapports que l'on a avec l'autre, ou l'image que l'on en a. Ainsi, des études montrent que l'on se place plus loin d'une personne atteinte de handicap ou une personne qu'on nous a présentée comme froide ou désagréable,
- le statut de l'interlocuteur. On se place plus loin d'un supérieur ou inférieur hiérarchique que d'un collègue.
- la situation. Dans une situation de coopération, les individus se placent généralement côte à côte pour partager le matériel et les idées. S'il y a compétition, les individus préfèrent s'asseoir l'un en face de l'autre, et dans une situation de co-action où les personnes travaillent à des tâches différentes, les individus préfèrent se tenir aux coins diagonalement opposés de façon à éviter de se voir.
Pour résumer, si on est tout à fait d'accord pour être collé-serré avec son petit ami ou son bébé, on cherchera à s'éloigner de son manager ou de sa tante revêche. C'est assez simple à comprendre mais cela pose le problème de la gestion des distances imposées, comme sur une plage bondée ou dans la foule d'un concert. Comment gérer des distances qui nous posent problème? Comment ne pas se sentir agressé par une proximité perçue comme excessive? L'exercice est difficile car hautement subjectif.
L’appropriation de l’espace
La dialectique entre espaces public, semi-public et privé dans les usages et les appropriations.
L’appropriation de l’espace est à la fois une notion juridique et anthropologique riche de nuances qui fourni souvent des catégories d’analyses pratiques à l’urbaniste. La différence entre espace public et espace privé fait partie de ces catégories d’analyse. En approfondissant ces notions, N. Habraken (1998) démontre comme il s’agit de deux catégories toujours relatives : quelle qu’elle soit l’échelle retenue, un espace est toujours public pour certaines sous-populations et privés pour d’autres. Le critère employé pour opérer cette distinction est celle du libre accès et du libre mouvement à l’intérieur de cet espace. Le hall d’un immeuble est ainsi public pour tous les habitants de l’immeuble, mais privés pour les non-habitants, les espaces ouverts communément définis comme étant publics sont en réalité publics pour les citoyens d’un pays, mais privés pour les étrangers ne disposant pas d’une autorisation à entrer le pays. Il est néanmoins admis, dans l’analyse des espaces urbains, de faire référence à quelques grandes catégories d’espaces, en adoptant un point de vue absolu et pas relatif à la question. L’espace public urbain est ainsi celui du domaine public et ouvert au libre accès et au libre mouvement de toute la population urbaine, il ne peut pas être juridiquement approprié par des individus ou des groupes à l’exclusion du reste de la population. Les espaces privés sont en revanche ceux qui sont régis par le code de la propriété privée : leurs propriétaires (ou leurs occupants selon les accords en vigueur) sont les seuls à pouvoir décider de l’accès de personnes tierces à ces espaces. Les immeubles résidentiels et la plupart des immeubles abritant des activités économiques, ainsi que les espaces ouverts qu’y sont rattachés, font partie de cette catégorie (avec l’éventuelle distinction de sous-espace semi-privés ou collectifs à leur intérieur). Entre ces deux grandes catégories, il existe des espaces semi-publics : leur propriété peut être privée ou publique, mais leur usage est régies par des règles de libre accès et de libre circulation, avec des éventuelles restrictions en termes d’horaires et de comportements acceptés. Se situent dans cette catégories les espaces commerciaux (au moins la partie d’une surface commerciale qui est ouverte au public), les halles des gares, les galeries marchandes, les terrasses des restaurants, certains grands équipements collectifs : tout client/usager potentiel peut y rentrer et y circuler librement pendant les horaires d’ouverture, à condition de ne pas perturber le fonctionnement des activités qu’y si déroulent. Ces espaces sont caractérisés par un mélange des règles d’appropriation des acteurs qui en ont le contrôle (le commerçant, le restaurateur, le gestionnaire du centre commercial, l’administration de l’équipement) avec les règles du libre accès et de la libre circulation qui sont propres aux espaces publics. L’utilisation de cette catégorie intermédiaire d’appropriation de l’espace est particulièrement utile dans l’analyse d’une place. La place ne peut ainsi pas être réduite à son seul espace public.
Les trois types d’espace cohabitent et sont nécessaires au bon fonctionnement de la place : d’une part, un espace public qui ne serait pas bordé d’espaces privés pourrait accueillir bien peu de fonctions urbaines ; d’autre part, la plupart des fonctions qui contribuent à animer l’espace public proprement dit nécessitent précisément d’une appropriation de type semi-publique. Comme déjà remarqué pour les fonctions, il peut arriver des conflits d'usage entre les trois types d’appropriation de l’espace. Il convient ainsi de s'intéresser à la part de chacun de ce type d’espaces au sein de la place (part qui peut éventuellement changer au cours de la journée, de la semaine ou de l’année) et à leur répartition spatiale. Une partie de l’espace public peut notamment devenir semi-publique par des accords de location, concession ou occupation temporaire régulièrement établis entre le gestionnaire public (normalement l’administration municipale) et les acteurs économiques (commerçants, restaurateurs, artistes de rue, etc.).
Aux appropriations formelles, liées par des règles juridiques dans leur fonctionnements, s’ajoutent également les appropriations informelles, relevées sur le terrain par des états de fait et susceptibles de créer encore plus souvent des conflits du fait de leur caractère flou et de leur dépendance des rapports de force en évolution constante. Les vendeurs à la sauvette créent ainsi en toute illégalité un espace semi-public sur le domaine public de la place, dans la mesure où ils étalent leurs marchandises et organisent la circulation des clients potentiels. Cette pratique peut être relativement bien tolérée par les autres usagers de la place et contribue à l’animation de l’espace public, mais est également soumise aux évaluations discordantes des autres commerçants (qui peuvent craindre une concurrence déloyale ou une détérioration de l’image de la place), des autorités publiques, des riverains, etc. pouvant porter à une remise en discussion des appropriations informelles. De même, l’utilisation en tant que stationnement privé d’un espace public montre autant un conflit d’usage entre transports motorisés et flux piétons, autant un conflit d’appropriation entre les propriétaires des véhicules et le caractère juridiquement public de l’espace. L’observation d’une pratique illégale tolérée (aucun enlèvement de véhicules) doit néanmoins être prise en compte dans l’analyse de la place, car il ne s’agirait dans ce cas pas d’une transgression ponctuelle d’une règle, mais bien d’un mode de fonctionnement de la place.
Il est alors fondamental d’observer dans quelle mesure les individus et les groupes s'approprient, formellement ou informellement, l'espace public par observations sur le terrain que l'on peut retranscrire spatialement sur un plan.
Les cités ouvrières strasbourgeoises
(1900-1930)
Katolischer Banhof, boulevard de Lyon, Strasbourg, 1905
(cité des cheminots)
Plan de situation
Rénovation
Alfred Messel - Berlinen Spar und Bauverein, 1897-1898, Proskauer Straße, Berlin-Friedrichs-Hain
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