1850 : la révolution industrielle transforme le monde
Entre 1850 et 1900 le monde va se modifier radicalement : Révolution industrielle et nouveaux modes de transports mécanisés (les bateaux à vapeurs, les trains, puis les véhicules automobiles), sans oublier bien sûr l'invention de l'électricité. Cette nouvelle société "de masse", à laquelle les architectes vont d'abord tenter de résister, va entrainer une modification complète des édifices. Ce ne sont plus uniquement les "monuments", historiques ou artistiques, qui sont renvoyés dans l'histoire, mais toutes les constructions "traditionnelles", qui ne correspondent plus aux standards de la société industrielle.
Les débuts de la Révolution industrielle ne se firent pas sans difficultés : ici on voit l'effondrement d'un des premiers ponts métalliques à haubans, à Angers en 1850, qui fit 220 morts (un régiment franchissait le pont malgré la tempête).
De nombreux accidents émaillèrent les débuts des chemins de fer, mais les nouveaux moyens de transports (bateaux à vapeur, trains puis véhicules automobiles) finirent par s'imposer, soutenus par des investissements considérables qui établissent le triomphe du capitalisme, malgré les nombreuses révolutions (réprimées) qui scandent la deuxième moitié du 19e siècle
Paris "Haussmannien" (1852-1871): destructions et embellissements
En France, le symbole du passage de l'ancien au nouveau monde sera la transformation de Paris, effectuée sous le Baron Haussmann, et qui marque, parallèlement au cas d'autres capitales européennes, l'adaptation de la ville aux nécessités du commerce. Le nouveau Paris "haussmannien" a été considéré comme une destruction du "vieux-Paris", ce qui est en partie exact, mais ne rend pas compte d'efforts qui ont été réalisés, notamment par des ajustements de tracés, pour maintenir de nombreux monuments anciens.
Il faut aussi se rendre compte que de nombreux quartiers que les vieilles photos présentent comme "pittoresques" étaient en réalité des zones d'habitat insalubre. Les nouvelles constructions furent un des vecteurs de la modernisation de Paris, qui devint la "Ville Lumière" et le modèle d'urbanisation de très nombreuses capitales dans le monde entier.
L'objectif principal de Napoléon III, influencé par l'exemple de l'Angleterre, était de favoriser le commerce.
Le réseau de rues, avenues et boulevards percés à cette époque, était de faciliter les déplacements des biens et des personnes d'un bout à l'autre de la capitale. La rue de Rivoli, vieux projet datant du 1er Empire, était le départ de l'axe majeur Est-Ouest destiné à un grand avenir.
La politique de mise en valeur des monuments anciens consistait à les isoler par un vide urbain (place, square ...). Sur l'île de la Cité, destinée à devenir un centre administratif, toutes les constructions anciennes furent détruites et l'on ménagea, autour de Notre-Dame restaurée par Viollet-le-Duc et Lassus, de grandes esplanades destinée à voir l'édifice débarrassé de son environnement construit.
La même politique fut mise en œuvre pour toutes les grandes cathédrales de France. Celle de Strasbourg, située alors en Allemagne, échappa à ce "grand nettoyage".
Les guerres modernes et les destructions de grande ampleur
La Guerre civile américaine (1861-1865) fut le premier conflit mettant en œuvre des moyens de destruction massifs. Les progrès de l'artillerie entrainèrent la disparition de villes entières, alors que les guerres précédentes se concentraient sur les infrastructures militaires, ce qui avait permis la conservation de tissus anciens.
Ces destructions à grande échelle apparaissent en Europe lors du conflit franco-prussien de 1870, au cours duquel, par exemple, Strasbourg va payer un lourd tribut, avec des quartiers entiers rasés.
Ci-dessous : L'hôtel du Préfet et l'Opéra en ruines après les bombardements
Ruines de Richmond, capitale des Etats confédérés (Sud), en 1862
A la suite du conflit franco-prussien de 1870, la révolte populaire de Paris (la Commune, 1871) provoqua de nombreuses destructions, qui frappèrent les contemporains par leur aspect parfois spectaculaire (ci-dessous : incendie du Palais des Tuileries et destruction de la colonne Vendôme, pour laquelle le peintre Courbet dut payer une amende élevée)
Aux destructions de plus en plus lourdes dues aux bombardements, il faut ajouter les destructions de grande ampleur causées par les incendies urbains, capables de ravager en quelques heures une ville complète, comme on le voit ici sur ce panorama de Chicago, après le Grand incendie de 1871.
Ce changement d'échelle du problème posé par la conservation - ou non - du bâti ancien incita un historien de l'art viennois réputé, Alois Riegl, à publier un ouvrage dans lequel il essayait d'expertiser la valeur des biens anciens, de façon rationnelle, suivant leur intérêt en tant que témoin historique ou artistique, et selon leur fonction (intentionnelle ou non) d'objets porteurs de mémoire. "Der Moderne Denkmalkultus, seine Wesen, seine Entstehung" (1903) reste un ouvrage fondamental si l'on souhaite raisonner de façon logique sur la "valeur d'ancienneté" des constructions anciennes.
XXe siècle : évolution vers la notion de "patrimoine"
Inauguré par Loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, qui succédait à une première loi votée en 1887, le XXe siècle ne va pas arrêter de légiférer dans le sens d'un élargissement du domaine compris comme relevant d'un patrimoine commun, au point qu'aucun champ de production (entre autre dans le domaine du bâti) n'est exclu de cette notion de bien existant à préserver (ou à faire vivre).
Cette législation, de plus en plus pesante, instaure un cadre administratif contraignant qui va faire l'objet de critiques de plus en plus fortes, surtout à partir de la mise en place d'une politique de décentralisation de la gestion du territoire, à laquelle l'administration centrale oppose une résistance motivée par des questions de compétence et d'intérêts économiques
Le campanile (clocher) de Saint-Marc à Venise dominait la ville depuis le XIIe siècle, par la suite modifié et restauré à plusieurs reprises en raisons de dégâts occasionnés par des séismes ou par la foudre. Le 14 juillet 1902, il s'effondra sans entraîner de victimes (photo). La décision prise immédiatement par les autorités de le reconstruire à l'identique (en plus solide) se traduisit dans la célèbre formule com'era dov'era ("comme il était, là où il était"). Sa réplique fut inaugurée en 1912.
La loi du 31 décembre 1913
Inauguré par Loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, qui succédait à une première loi votée en 1887, le XXe siècle ne va pas arrêter de légiférer dans le sens d'un élargissement du domaine compris comme relevant d'un patrimoine commun, au point qu'aucun champ de production (entre autre dans le domaine du bâti) n'est exclu de cette notion de bien existant à préserver (ou à faire vivre)
Cette législation, de plus en plus pesante, instaure un cadre administratif contraignant qui va faire l'objet de critiques de plus en plus fortes, surtout à partir de la mise en place d'une politique de décentralisation de la gestion du territoire, à laquelle l'administration centrale oppose une résistance motivée par des questions de compétence et d'intérêts économiques