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Temple d'Apollon - 4e s. av. J.-C. / Temple of Apollo, 4th C. BC
SD 422-3

Vue restituée (D. Laroche 2013)
Vue restituée
(D. Laroche 2013)
Maquette de l'espace autour de l'autel, pour l'exposition du 150naire de l'Ecole Française d'Athènes, 1996
(P. Christmann, maquettiste / D. Laroche, architecte)
Vues anciennes du temple (avant les travaux d'anastylose de 1938-1941).
Découvrir l'adyton, la partie la plus sacrée où officiait la Pythie, constituait l'un des objectifs avoués des fouilleurs en 1893. Ce fut donc une grande déception pour eux de ne trouver, au fond du temple qu'un grand vide où, malgré une recherche menée profondément, n'apparut aucune structure permettant de restituer le dispositif oraculaire sensé se développer autour d'une exhalaison de vapeurs inspiratrices.
"La dernière Pythie est partie en emportant son secret" constata ainsi l'un des fouilleurs.
Ce grand trou béant, "muet", apparait au premier plan sur cette photo.
Vue depuis la façade vers l'Ouest (archives Dorothy Burr Thompson, 1923).
 
La rampe d’accès, au premier plan, est en place mais non encore restaurée.
Le temple est réduit à sa plate-forme en calcaire de Saint-Élie (carrières à une quinzaine de km vers la plaine). Les murs ont complètement disparu, ce qui est courant dans les temples, vu la facilité de réutilisation des blocs, alors que de nombreux tambours de colonnes gisent autour du monument, qui vont permettre une reconstruction partielle de la colonnade extérieure
Dès les lendemains de la fouille, on décida de remonter l'un des piliers d'époque hellénistique qui entouraient la façade du temple, le pilier du roi de Bithynie Prusias II.
Malheureusement, le monument fut remonté sur une fondation erronée, et il ne fut remis à sa véritable place qu'en 1946, à l'occasion de travaux d'embellissement réalisé dans le cadre des cérémonies du centenaire de l'École française.
Travaux de restauration du temple (1938-1941).
A la fin des années 30, à la suite des restaurations nécessitées pas une coulée de terres et rochers sur la partie occidentale du site, fut engagée une série de travaux destinés à mieux saisir la composante verticale du site antique, c'est-a-dire à remonter des colonnes.
A Marmaria ce fut la tholos (1938), et au sanctuaire principal, ce fut le temple (1939-41).
Dans les deux cas, les travaux furent conduits par l'architecte de l'École d’Athènes, Henri Ducoux. Pour le temple, il s'appuya sur les travaux de l'archéologue Fernand Courby, qui avait publié en 1925 une étude sérieuse du temple et de son environnement.
Les travaux furent compliqués, voire interrompus, par le second conflit mondial, mais en même temps ils fournirent du travail pour une population très éprouvée par les conditions de l'occupation.
Cette restauration a donné, moyennant quelques travaux complémentaires, au temple son aspect actuel qui, bien sûr, ne rend pas compte de la partie principale, la cella, où se trouvaient les espaces significatifs du siège de l'oracle.
Tailleur de pierre au travail sur le chantier
Les techniques utilisées lors des travaux de 1938-41 étaient sans doute assez proches de celles mises en œuvre lors de la construction du temple dans l'antiquité
Ici, on voit un tambour hissé sur des échafaudages à l'aide d'un treuil, méthode simple et efficace, comparée aux hypothèses hasardeuses (p. ex. grues) imaginées par certains chercheurs modernes.
Pause sur le chantier .
Pierre Amandry au milieu de son équipe
Soldats italiens visitant le temple à l'issue des travaux.
L'occupation italienne fut remplacée par celle de la Wehrmacht, plus dure, après la capitulation italienne en 1943.
Vues actuelles du temple
La crépis (emmarchements périphériques portant la colonnade extérieure) et les colonnes remontées à l'angle sud-est permettent de saisir la taille impressionnante du temple, reconstruit sur le même plan, mais avec des proportions plus élancées, que son prédécesseur construit vers 510 av. J-C.
Le temple, d'ordre dorique, ne présentait pas de traits originaux, hormis son allongement dû à la nécessité d'abriter dans la cella plusieurs espaces distincts.
Sa construction fut interrompue lors de la 3e guerre sacrée (356-346 av. J.C.), le temple étant ensuite achevé grâce à l'amende infligée aux Phocidiens après leur défaite, pour les punir d'avoir utilisé des biens consacrés au dieu pour financer leurs campagnes militaires.
Bien que publié à deux reprises, le temple continue de faire l'objet de recherches qui permettent, pas à pas, de préciser certains problèmes d'interprétationencore mal élucidés.
Plan restitué du temple du IVe siècle
(Amandry/E. Hansen, modifié par D. Laroche)
Le plan fait apparaitre la complexité de l'intérieur ou se succédaient plusieurs espaces qui, probablement, filtraient l’accès au lieu de l'oracle , mais qui accueillaient également toute une série de monuments dont l'agencement n'est pas connu : autel de Poséidon, statues de Zeus, des Moires, et statue en or d'Apollon. L'omphalos, nombril du monde, était sans doute aussi présenté à l'intérieur de cet espace magnifié par deux colonnades (ioniques ?) dont l'une s'interrompait mystérieusement au sud.
L'ensemble a fait l'objet d'une nouvelle publication, par P. Amandry et E. Hansen, en 2010.
Une particularité du temple est la présence, sur les longs cotés, de grandes portes destinées aux consultants ou au personnel lié à l'oracle.
Ce bâtiment était, du fait de l'oracle, un des rares temples à accueillir un public non sacerdotal, mais qui n'avait pas accès à l'adyton, le "saint des saints".
Elévation restituée du temple du IVe siècle (E. Hansen)
Le dessin ne fait pas apparaître le décor . fronton sculpté et acrotères
Afin de prévenir un effondrement, les fondations du temple furent réalisées avec un soin extrême. Un système en caisson, avec un ajustement parfait de blocs très résistants, renforcé par une grande quantité de scellements, assura la conservation du temple jusqu’à la fin du sanctuaire.
Décoration et polychromie
Bien que les parties hautes soient très mal conservées, les quelques vestiges conservés permettent de reconnaitre un travail a la hauteur de la qualité d'exécution qui prévalait au IVe siècle dans toute la Grèce.
La question du décor sculpté
Les fouilleurs ont pensé que le décor sculpté, entièrement disparu, avait été enlevé et envoyé dans un autre lieu, comme cela se faisait à l'époque romaine. Ce n'est que tardivement que l'archéologue Lucien Lerat émit l'idée que des débris très abimés provenaient des frontons.
Jean Marcadé, puis Francis Croissant, étudièrent ces fragments et parvinrent à rapprocher suffisamment de pièces pour reconstituer les deux scènes évoquées par Pausanias : Apollon et les Muses d'un côté, Dionysos et les Thyiades de l'autre.
Fr. Croissant, avec l'aide de K. Iliakis, proposa donc une évocation de ces deux ensembles, en replaçant Apollon sur la façade principale orientale.
Reconstitution des frontons du temple (Croissant / Iliakis,2003)
Apollon au trépied
(Croissant / Iliakis,2003)
Dans un article paru récemment (BCH 144, 2020), Anne Jacquemin et Didier Laroche proposent une autre disposition des frontons, qui résout surtout les problèmes de provenance des sculptures.
Nous avons déplacé la figure d'Apollon assis sur le trépied du fronton à l'acrotère sommital, et placé Dionysos et ses Ménades au fronton Est. Cette présence de Dionysos ne doit pas surprendre dans un sanctuaire que ce dieu administrait chaque hiver lors de l'exil d'Apollon chez les Hyperboréens.
Une statue assise trouvée au pied de ce fronton est un parfait candidat pour représenter Dionysos âgé, au milieu de ses accompagnatrices. Cette statue, longtemps appelée "la romaine", restait une énigme, n'ayant jamais trouvé d'emplacement lui convenant. Mais des recherches récentes avaient montré qu'il s'agissait d'une statue divine du IVe siècle avant J.-C.
Nous avons reconnu, comme l'avait fait Jean Marcadé avant nous, Apollon dans une statue d'un citharède debout, censée représenter Dionysos sous les traits d'Apollon !
Ainsi la nouvelle proposition repose-t-elle sur une identification évidente des sculptures retrouvées.
Le transfert d'Apollon et des Muses au fronton Ouest ne doit pas surprendre non plus, puisque cette façade, comme au Parthénon, était celle qui accueillait les visiteurs arrivant par l'entrée monumentale construite à cette occasion à l'ouest du sanctuaire, longeant un portique énorme ("portique ouest"), 2e construction par sa taille du sanctuaire après le temple.
Comme à l'Acropole d'Athènes, les processions contournaient le temple par le nord pour se retourner devant l'autel et la façade tournée vers ce dernier.
Statue de
Dionysos (âgé)
trouvée au pied de la façade Est du temple
Le temple à la fin du paganisme
Le temple, malgré ses fondations et un grand nombre de tambours de colonnes bien conservés, nous est parvenu dans un état de forte dégradation, portant des traces de réparations dont les dernières attestent un bâtiment en piteux état.
Il est difficile de se prononcer sur l'époque où le temple a connu ces vicissitudes. Avant la fin du paganisme, destruction  par les Chrétiens ou plus tard ?
Malgré les avis contradictoires, il semble bien que le temple ait été transformé en église. En effet, un grand nombre de blocs provenant d'une grande église ont été trouvés sur le temple ou à proximité (Laurent, BCH 1899). La transformation des grands temples en églises, comme ce fut le cas au Parthénon, est un fait bien attesté dans de nombreux sanctuaires. Plusieurs colonnes du temple du IVe siècle furent retaillées de façon grossière et l'entablement brutalement transformé pour porter une toiture sommaire.
Ces modifications sont difficiles à imaginer dans le cadre du fonctionnement de l'oracle et du sanctuaire, malgré sa perte d'importance  au cours des derniers siècles.
On préférera donc en rester à l'opinion des premiers spécialistes qui s'accordèrent à supposer que la grande église, attestée par de nombreuses pièces architecturales, mais dont on ne peut rapprocher aucune fondation présente sur le site, se soit installée dans les murs du temple païen.
Ainsi s'explique mieux la disparition complète de l'architecture intérieure du temple d'Apollon : murs et surtout la colonnade intérieure qui n'a fait que laisser des traces sur le dallage de la cella. L'adyton, "saint des saints", fut ravagé en profondeur pour effacer tout vestige de l'ancienne religion et de l'oracle, raillé par les Pères de l'Église.
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